Comte-Sponville André
L'esprit de l athéisme. Introduction
à une spiritualité sans Dieu.
Paris, Albin Michel,2006.222p.
(Livre de Poche 31113)
ISBN 978-2-253-12466-5
Euro 6,30
Boekbespreking door Benjamin Wolff - 25/07/2008
Pour un
athéisme non dogmatique
Les
textes publiés dans Vos contributions ne représentent que
l'opinion de leurs auteurs.
Deux
essayistes s'efforcent de penser l’athéisme : Michel Onfray et André
Comte-Sponville. Alors que le premier est moins athée qu’anti-théiste, le second
a l’avantage de prendre son athéisme pour une croyance et non un savoir. Agnosticisme
? Non. Le croyant dit : je crois en Dieu. L’agnostique dit : je ne crois pas en
Dieu. L’athée dit : je crois que Dieu n’existe pas. L’idiot dit : je sais que
Dieu n’existe pas. L’imbécile dit : je sais que Dieu existe.
Dans son
livre, L’esprit de l’athéisme, André Comte-Sponville se pose 3 questions :
La réponse
dépend du sens qu’on donne à "religion". S’il s’agit de la croyance
en un Dieu personnel et créateur, on peut alors se passer de religion (par
exemple, les sociétés bouddhistes ou confucéennes).Si on considère en revanche
l’étymologie du mot, la réponse est non.
Deux
étymologies différentes se concurrencent :
1) Religion
vient du latin Religare, c’est-à-dire relier. La religion est ici ce qui relie.
Dans ce cas, aucune société ne peut se passer de religion car religion et lien
sont synonymes. Mais il s’agit davantage de communauté que de religion. Ainsi,
on peut se passer de religion mais pas de communion.
2) Religion
vient du latin Relegere, c’est-à-dire recueillir ou relire. La religion est ici
ce qu’on recueille et relit (ou ce qu’on relit avec recueillement). Le livre
qu’on relit est ici le trait d’union entre les morts et les vivants. Mais il
s’agit d’avantage de fidélité que de religion. Ainsi, on peut se passer de
religion mais pas de fidélité. Comte-Sponville pense d’abord à la fidélité envers
les valeurs gréco-judéo-chrétienne dont nous avons hérité car, dit-il, les deux
dangers sont le nihilisme et le fanatisme.
On voit
tout de suite la jonction des deux origines : relire crée du lien. Le lien ne
se crée qu’à la condition de transmettre. Pas de Religare (communion) sans
Relegere (fidélité).
André
Comte-Sponville ajoute que la différence entre un croyant et un athée, c’est la
dimension d’espérance. Avec Dieu, "on peut espérer une infinité de vie
infiniment heureuse" (Pascal), alors qu’un athée lucide ne peut pas
échapper au désespoir. Mais, selon lui, le sage vit au présent : il ne désire
que ce qui est ou que ce qu’il fait. Seul le désespéré est heureux, car le
croyant est esclave de son espoir. En somme, et c’est-ce qui fait la force des
religions, c’est que l’espérance lui donne raison.
De plus, le
croyant et l’athée ont ceci en commun qu’ils aiment deux la vérité, mais le
second a cette spécificité : il pense que la vérité ne l’aime pas.
Dieu existe-il ?
On peut
relever 3 arguments donnant des raisons de ne pas croire en Dieu.
1) La faiblesse des preuves de l’existence de
Dieu
-La preuve
ontologique dit que "si Dieu n’existait pas, il serait imparfait, or Dieu
est parfait donc il existe." Mais une définition ne peut pas prouver une
existence (on ne s’enrichit pas en définissant la richesse).
- La preuve
cosmologique consiste au raisonnement suivant : "les effets s’expliquent
par leur cause. Or chaque cause a elle-même sa propre cause mais cet
enchaînement n’est pas infini sinon le monde serait inexplicable. Ainsi, la
cause première qui n’a pas de cause est Dieu." Mais pourquoi n’y aurait-il
pas de l’absolument inexplicable (de la contingence) ? Et même si cet être
nécessaire premier existe, pourquoi ce serait un Dieu personnel ? Ce pourrait
être le feu d’Héraclite ou la substance de Spinoza.
- La preuve
physico-théologique repose sur l’idée que "le monde serait trop ordonné et
trop harmonieux pour que se puisse être le fait du hasard : une telle réussite
suppose une intelligence ordonnatrice et créatrice." Mais l’ordre (le
mouvement des planètes, la téléonomie des Etre Vivants) s’explique de mieux en
mieux avec le progrès et les désordres se constatent de plus en plus.
2) La faiblesse de l’expérience
Si Dieu
existait, je devrais le voir ou le sentir davantage : pourquoi se cache-t-il ?
Pour respecter notre liberté, disent les croyants. Mais prétendre que Dieu se
cache pour respecter notre liberté, ce serait supposer que l’ignorance est un
facteur de liberté ! Qui accepte ça ?
Et que penser
d’un père qui se cache à ses enfants ? Un monstre ? L’idée d’un Dieu qui se
cache est inconciliable avec l’idée d’un Dieu père.
3) Une explication incompréhensible
On veut
expliquer quelque chose qu’on ne comprends pas (le monde, la vie, la
conscience) par quelque chose que l’on comprends encore moins : Dieu. Les
croyants expliquent l’inexpliqué par l’inexplicable…
On peut
relever 3 arguments donnant des raisons de croire que Dieu n’existe pas.
1) L’excès du mal
C’est un
argument populaire mais valable : pourquoi le mal ? Réponse du croyant : le mal
est le prix à payer pour la création. Si le monde était parfait, il
serait Dieu et il n’y aurait pas de monde. Soit. Mais fallait-il qu’il y en ait
autant ?
2) La médiocrité de
l’homme
L’homme est trop habité par la vanité pour qu’il soit la
créature d’un Dieu. "Dieu
créa l’homme a son image" : ça fait douter de l’original... Croire en
Dieu, ce serait se donner une bien grande cause pour un si petit effet...
3) Trop beau pour être vrai !
Nous
désirons tous : la justice, la paix, être aimé, ne pas mourir…Et bien ces
désirs suffisent à nous dissuader de croire car "une croyance qui
correspond à ce point à nos désirs, il y a lieu de craindre qu’elle n’ait été
inventée pour les satisfaire." Ainsi, Dieu est trop désirable pour être
vrai et la religion est trop réconfortante pour être crédible.
Quelle spiritualité pour les athées ?
En
conclusion, André Comte-Sponville essaie d’introduire une nouvelle spiritualité
sans Dieu : un mysticisme athée ou un athéisme mystique. Il l’a construit
essentiellement à partir de plusieurs expériences personnelles : "de
plénitude, de simplicité, de silence, d’éternité : tout cela ne faisait qu’un."
Mais en quoi consiste cette spiritualité ? "Je répondrai volontiers : une
spiritualité de la fidélité plutôt que de la foi, de l’action plutôt que de
l’espérance, de l’amour plutôt que de la crainte ou de la soumission." A
voir…
Benjamin Wolff